HIROSHIGE (ANDO)

HIROSHIGE (ANDO)
HIROSHIGE (ANDO)

Maître incontesté de l’estampe de paysage, And 拏 Hiroshige remporta un égal succès au Japon et en Occident. Jamais sans doute maître de l’école Ukiyo-e , née de la peinture de genre, ne comprit et ne traduisit mieux l’âme même de la nature.

Ne s’appuyant sur aucune conception philosophique ou mystique, son art est le résultat de l’observation humble de la nature, qu’il n’a cependant pas cherché à embrasser tout entière: il est parvenu à saisir l’essentiel des choses qu’il dessinait, écartant le détail superflu. Le don qu’il avait de regarder et de faire partager ce qu’il avait ressenti s’alliait à un pouvoir de suggestion sans égal.

Par les seules ressources de la xylographie et par le jeu très simple des couleurs, il a su évoquer les phénomènes naturels, dans une vision à la fois réaliste et poétique.

Considéré par tous comme le paysagiste japonais par excellence, il représente, avec Hokusai, un sommet de l’école Ukiyo-e et de la xylographie polychrome, pourtant parvenue au terme de son évolution.

L’apprentissage

Fils d’un membre de la Brigade officielle du feu, And 拏 Hiroshige naquit à Edo (aujourd’hui T 拏ky 拏) en 1797. Très jeune, il se montra très doué pour le dessin et pour la peinture. Il apprit les rudiments de son art chez un artiste mineur de l’école Kan 拏 et fréquenta des peintres de l’école Shij 拏. Attiré par l’école Ukiyo-e, il voulut entrer dans l’atelier d’Utagawa Toyokuni (1769-1825), mais fut refusé, faute de place; il se tourna alors vers le frère de celui-ci, Toyohiro (1774-1829), qui l’accepta en 1811. Ce hasard eut sans doute une importance déterminante dans l’orientation de la carrière du jeune artiste: le talent si subtil et si raffiné de Toyohiro, ses recherches dans le genre du paysage et sur le thème «fleurs et oiseaux» (kach 拏 ) ont sans conteste exercé une influence prépondérante sur l’œuvre de Hiroshige.

Jusqu’à la mort de son maître en 1829, son œuvre, du reste peu abondante, ne se distingue guère de la production courante de l’époque. On lui connaît quelques surimono (estampes de vœux, de faire-part, etc.), des portraits d’acteurs, des diptyques à sujets héroïques influencés par Shuntei (mort en 1820), ainsi que des séries d’estampes illustrant le thème de la mère et l’enfant à la manière d’Eizan (1787-1867).

Le succès

Déclinant l’honneur de reprendre la direction de l’atelier, il se tourna vers l’étude de la nature et du paysage, et définit très vite son style propre, auquel il allait rester fidèle toute sa vie. De cette époque date sa production considérable de tanzaku (petites estampes avec poème, accompagnant un cadeau). Ces petites compositions de fleurs, de branches et d’oiseaux annoncent déjà les très belles estampes kach 拏 , genre dans lequel il excellera. C’est également à cette époque que parurent ses premiers paysages purs, qui allaient l’imposer au public: les Vues célèbres d’Edo (T 拏to meisho ), suivies un an plus tard des Vues célèbres du Japon (Honch 拏 meisho ), son premier vrai chef-d’œuvre. Si, dans ces compositions, l’influence de Hokusai est très perceptible, la poésie qui en émane est propre à Hiroshige.

La révélation

En 1832, Hiroshige eut la chance d’accompagner une mission officielle à Ky 拏to. Ce voyage allait décider de tout son avenir: ébloui par la beauté du pays qu’il traversait, il en fit une série de croquis qui lui servirent pour la composition des Cinquante-Trois Étapes de la route du T 拏kaid 拏 (T 拏kaid 拏 goj san tsugi ), parues en 1833-1834. Le succès que connut cette œuvre fut d’emblée considérable et ne se démentit jamais par la suite. Aussi en fit-il au moins vingt versions différentes, mais aucune n’atteignit la qualité artistique de la première. Cependant, Hiroshige fut dès lors considéré comme le plus grand paysagiste japonais de tous les temps.

Ainsi, après plus de vingt ans de travail obscur, il était parvenu d’un coup à la maîtrise absolue de son sujet, son seul maître étant en somme la nature elle-même. Pendant dix ans environ, il allait donner le meilleur de lui-même dans des œuvres admirables comme ses séries de fleurs et d’oiseaux (kach 拏 ), la très belle suite des Huit Vues du lac Biwa ( 牢mi hakkei , 1834), précédées et suivies de versions moins bonnes, ses Meisho (sites célèbres de Ky 拏to et surtout d’Edo), la série fameuse des Soixante-Neuf Étapes de la route de Kiso (Kisokaid 拏 rokuj ku tsugi , 1839) en collaboration avec Eisen (1790-1848), et les très célèbres estampes des Poèmes japonais et chinois (Wakan R 拏ei shu , vers 1840).

Le déclin

À partir de 1841, à la recherche de nouveaux thèmes, et aussi par goût du voyage, il fit plusieurs randonnées dans différentes provinces et en ramena de nombreuses esquisses, quantité de notes et une multitude de récits pittoresques. Pourtant, dès cette période, la qualité de ses œuvres décline: la composition devient négligée, les couleurs, plus contrastées, perdent de leur luminosité, les dégradés de tons se font plus rares. Sans doute est-ce dû en partie au fait qu’il fut obligé de laisser une part de l’exécution des œuvres à ses élèves, le succès l’obligeant à produire en masse.

Dès 1852, ses estampes de paysage adoptent le plus souvent le format vertical. Il fait encore quelques œuvres remarquables, dont la plus belle est à coup sûr une série de trois triptyques, édités en 1857, où il transpose dans trois paysages le thème «neige, lune et fleur» (setsugekka ), si cher aux Japonais. Ce fut la dernière grande œuvre du maître, qui mourut l’année suivante du choléra. Ainsi s’éteignait l’une des plus grandes figures de l’école Ukiyo-e . Ses élèves, Hiroshige II (1826-1869) et Hiroshige III (mort en 1894), qui avaient collaboré étroitement avec le maître dès 1852, continuèrent son style et signèrent des œuvres très semblables à celles du grand Hiroshige.

Le paysage chez Hiroshige et chez Hokusai

Il est certain que, dans ses qualités essentielles, Hiroshige doit beaucoup à Hokusai: la hardiesse des compositions, la stylisation et les raccourcis, la transposition en termes purement japonais de principes de l’esthétique européenne.

Mais, alors que la composition de Hokusai vise à restituer le dynamisme des éléments, en usant du rythme des lignes et des surfaces, l’art de Hiroshige, plus statique et plus calme, fait appel avant tout à la couleur pour rendre l’atmosphère d’un site et l’émotion ressentie.

Dans les paysages de Hokusai, l’homme mène une vie propre indépendante du site qui l’entoure; Hiroshige conçoit l’humanité comme élément intrinsèque de la nature, pleinement intégré au paysage.

Enfin, si Hokusai s’impose, dans ses œuvres, davantage par la puissance étonnante de sa personnalité que par la séduction du paysage qu’il dessine, Hiroshige par contre, concevant son rôle comme celui d’un simple intermédiaire entre la nature et le spectateur, charme par l’atmosphère qui se dégage de ses œuvres, touche par l’émotion qu’il ressent et donne à partager. On remarque cependant qu’il n’a cherché à rendre qu’un seul trait de la nature: sa beauté, écartant résolument tout élément angoissant ou terrifiant.

Plus encore que le génial Hokusai, Hiroshige fut l’artiste paysager par excellence, car en livrant, dans des compositions d’où émanent une harmonie et une paix parfaites, le caractère essentiel de la nature, il a su rendre familière à n’importe quel spectateur une vision réaliste de la beauté.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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